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Le Forum Planète bleue : Yann Arthus-Bertrand, vous avez fait le choix raisonné de nous faire découvrir, ou redécouvrir, par le biais de vos films documentaires et de vos magnifiques photos aériennes, la beauté de notre planète et la richesse des différentes cultures humaines, tout en ne cachant rien en parallèle des atteintes et des ravages que l’homme leur inflige. Ce choix permet indubitablement une prise de conscience collective et citoyenne. Bien plus, selon nous, que ce que le triste spectacle d’une écologie militante et partisane nous laisse entrevoir ou comprendre. Expliquez-nous les raisons profondes qui ont motivé ce choix de mise en perspectives pour vos films éducatifs.


Yann Arthus-Bertrand : Je suis journaliste depuis plus de 40 ans et cela me permet d’avoir un regard différent, d’être une passerelle et de transmettre ce que j’ai compris, de la réalité de ce que je vois. Je dis cela très modestement, d’autant que le monde dans lequel nous vivons maintenant est très compliqué et que personne n’a la solution.


Par contre ce que je sais et ce que je peux affirmer, c’est que notre modèle de consommation nous a conduit droit dans le mur, que ce modèle n’est pas responsable et n’a pas d’éthique morale. Par ailleurs, comment refuser de voir que la planète compte aujourd’hui 7 milliards et demi d’êtres humains, dont plus de 4 milliards dans les pays émergeants, qui peuvent et veulent maintenant consommer en prenant exemple sur nous ?


FPB : Vous avez dit récemment que : « Il est trop tard pour être pessimiste, nous avons besoin d’action ». Qu’entendiez-vous précisément par cela ?


Yann Arthus-Bertrand : On sait tout, on ne peut plus nier la réalité de ce qui nous attend ! J’estime que nous devons regarder le monde avec les yeux ouverts et je continue à être optimiste lorsque je vois l’engagement concret et positif de femmes et d’hommes  qui se battent pour trouver des solutions et permettre aux générations futures de continuer à vivre dans un environnement sain et riche de ses diversités.


Juste pour étayer mon propos, il faut savoir qu’au Bangladesh une famille vit avec moins de 50 dollars par mois et aucun moyen ne leur est donné pour envisager de vivre mieux dans un environnement le plus préservé possible. Retour chez nous : en sortant la voiture du parking de l’hôtel ce matin, nous avons dû régler 36€. On marche sur la tête, non ?


Et comment pourrions-nous être étonnés de les voir grossir le flot des réfugiés climatiques et économiques, si nous refusons de nous engager concrètement pour les aider ?


FPB : Vous êtes un lanceur d’alertes et un grand témoin de la transformation de notre environnement et de nos sociétés humaines. Comment percevez-vous l’action politique dans notre pays, notamment en matière d’environnement et de prise de conscience des grands enjeux auxquels sont conjointement confrontée notre planète et l’humanité ?


Yann Arthus-Bertrand : Pour ne parler que de la France, j’estime sincèrement que les politiques font leur boulot. Quoi qu’on dise, François Hollande, Ségolène Royal et Laurent Fabius, pour ne citer qu’eux, sont convaincus de l’urgence de la situation. Pour avoir participé à toutes les précédentes, je reconnais aussi que pour la première fois la COP21 qui se tient en ce moment a été bien préparée et le gouvernement actuel s’est impliqué comme jamais aucun autre gouvernement ne l’a fait.


Maintenant, les politiques sont rattrapés continuellement par l’actualité, que ce soit les attentats, la guerre contre le groupe état islamiste ou les problèmes économiques… Tout cela va encore plus vite que l’écologie et les problèmes qui y sont liés, et malheureusement la politique environnementale est souvent traitée en dernier ressort.


Pour répondre sur le fond de votre question : j’ai un regard bienveillant sur ce qu’ils font, mais je ne crois pas qu’il soit réaliste de demander aux politiques de changer de civilisation. Car, en réalité, nous avons les hommes politiques qu’on mérite et comme nous ne sommes pas encore prêts collectivement à changer notre façon de vivre et de consommer, nos politiques ne font que répondre à nos attentes….


FPB : Vous avez mis en place « Action carbone », un programme destiné à compenser les émissions de gaz à effet de serre engendrées par vos propres activités photographiques aériennes. Ce programme s'est ensuite étendu pour accompagner le public et les entreprises dans la réduction de leur impact sur le climat en finançant des projets sur les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et la lutte contre la déforestation. Comment peut-on expliquer que les « écolos » français critiquent le bien-fondé d’une mesure pragmatique ?


Yann Arthus-Bertrand : Je pense que les détracteurs de cette mesure sont toujours dans la logique de la contestation du capitalisme et d’une vision manichéenne de l'économie et de la liberté d'entreprendre, sans malheureusement apporter d’alternatives viables et crédibles.


Sauf que si tous les gens qui prennent l’avion compensaient leur empreinte carbone, nous pourrions changer le Monde !


Certes, aux regards des théoriciens de l’écologie punitive la solution passe par la suppression des modes de transports polluants, mais je doute que cela soit faisable, ne serait-ce que du point de vue économique.


Je ne dis pas que nous seuls avons raison, il faut rester modeste, mais pour ne prendre qu’un cas concret de ce qu’il est possible de mettre en œuvre grâce au programme « Action carbone », je donnerai l’exemple de la fabrication et la diffusion des réservoirs à biogaz qui permettent de limiter les pressions sur la ressource bois et de produire un engrais naturel pour les cultures en Inde.


Comme vous le savez, la plupart des familles indiennes rurales dépendent du bois et du kérosène pour satisfaire leurs besoins énergétiques. Cela vaut pour d’autres territoires, comme l’Afrique par exemple. Les femmes et les enfants sont chargés de collecter le bois plusieurs fois par semaine, contribuant à l'amenuisement des ressources ligneuses (bois, plantes). L’utilisation des foyers de cuisson traditionnels entraînent par ailleurs de nombreuses infections respiratoires et oculaires chez leurs utilisateurs. Enfin, l’utilisation des engrais chimiques traditionnels réduit la fertilité du sol et le rendement des cultures.


De son côté, l’utilisation de réservoirs à biogaz que nous mettons en place avec "Action carbonne" permet de valoriser les excréments animaux pour la fabrication de gaz de cuisson. Les résidus issus de ces réservoirs, eux, permettent de produire un engrais naturel via le vermicompostage.


Par le développement de projets de ce type, on contribue concrètement à lutter contre le changement climatique en substituant le bois énergie, le kérosène ou le LPG par l’utilisation du biogaz ; on améliore la condition des femmes et des enfants en milieu rural grâce à une énergie propre et non consommatrice de temps, puisque cela évite la collecte du bois ; on valorise les excréments animaux en un compost de qualité qui se substitue par ailleurs aux engrais chimiques.


Au final, le coût total d’un réservoir à biogaz de 2 m3 et d’une unité de production de vermicompost est de 450 €.


Alors, certes, le programme « Action carbone » n’est pas « LA » solution, ce n’est pas spectaculaire, pas vendeur au niveau politique et cela ne demande pas la mise en place de superstructures coûteuses, hiérarchisées et dures à manœuvrer…mais je pense sincèrement que la multiplication d’actions et de programmes de ce genre ne peut que permettre d’aller dans le bon sens et surtout, de répondre à des urgences qui seraient ignorées autrement.


FPB : A ce sujet, une certaine presse vous accuse « de dépolitiser la question de l'écologie par une morale-des-petits-gestes compatible avec les objectifs d'une croissance sans limites ». Or, nous sommes en pleine élections régionales, et pour ne prendre que la région PACA, l’environnement est - à de rares exceptions près -  quasi absent des débats, hormis sous forme de slogans vides de sens et de mesures concrètes. N’y a t-il pas là une contradiction entre les paroles et la réalité de l’action politique et, pour arriver à notre question : votre engagement véritable pour l’écologie ne vous pousse-t-il pas à envisager de vous lancer vous-même en politique ?


Yann Arthus-Bertrand : Je suis d’accord avec vous, en pleine COP21, nous n’avons pas entendus les « verts » et cela est révélateur de la conception de la défense de l’environnement revendiquée par certains partis, qui exigent au passage que la réflexion écologiste leur soit réservée.


Faut-il y voir une cause à effet ? En tout cas, je suis désolé de devoir admettre que je ne crois plus dans la politique ! Et je reconnais que me sens beaucoup plus proche des ONG et des associations, qui œuvrent sur le terrain, que des hommes politiques.


Par ailleurs, comme pour la pollution, il faut voir les choses en face : je suis reporter et photographe et je n’ai aucune compétence en matière politique. J’en suis parfaitement conscient et ce, d’autant plus que je suis résolument en faveur de relations consensuelles et apaisées qui, j’en suis profondément convaincu, permettront de répondre aux grands défis. L’arène politicienne n’est donc pas faite pour moi !


FPB: Dans la lignée du Programme OCEAN lancé en 2012, la Fondation GoodPlanet crée un nouveau programme de sensibilisation autour de votre dernier film TERRA, parlez-nous en ?


Yann Arthus-Bertrand : C’est un fait : on ne voit plus le monde sauvage, on le rêve ! Cette fascination  est d’ailleurs vieille comme le monde, puisqu’on on la trouve peinte jusque sur les murs de la grotte Chauvet.


Mais aujourd’hui, ce rêve disparaît avec la fumée des usines !


7 milliards d’humains et leurs animaux domestiques ont repoussé les frontières du monde sauvage. Il ne reste que des poches isolées, des « réserves » où l’on sauve les derniers grands animaux sauvages.


La question est : peut-on enfin poser un regard sur cette réalité ?


Emporté par son incroyable progrès technologique, boosté par la finance, l’homme tourne le dos à la vie qui l’a fait naitre au point de se fragiliser : pesticide, OGM, dérive du climat…On parle désormais d’une possible sixième extinction des espèces sur la planète.


Et les chiffres sont terribles, puisque la biomasse des mammifères comprenant l’homme et ses animaux domestiques représente 98% de la masse globale, en comparaison de celle des animaux sauvages qui ne représente plus que 2%.


En moins de 40 ans seulement, la moitié des animaux sauvages ont disparu. Certes, l’extinction massive des espèces n’est pas un phénomène nouveau, puisque l’histoire de la Terre a été jalonnée d'extinctions majeures. Mais ce qui est différent aujourd’hui, c’est la vitesse de la phase d’extinction actuelle, qui est, sans conteste possible, consécutive à l’activité humaine.


Or, n’oublions pas que la richesse de la biodiversité accroît les chances de la vie sur terre de s’adapter aux changements. Son étude ouvre de nombreuses questions actuellement sans réponse: quels sont les seuils de perte au-delà desquels l’équilibre des écosystèmes est menacé ? Quelle est la résistance des écosystèmes aux interférences humaines? Quelle sera la réaction de la biodiversité face aux changements climatiques ?


Dans chaque écosystème, les êtres vivants, dont les humains, interagissent les uns avec les autres, et aussi avec l’air, l’eau et la terre. Le réchauffement climatique - qui entraîne un déplacement des espèces, tant d’un point de vue spatial que temporel, dans le cas des floraisons annuelles par exemple - et la disparition de certaines espèces, fait que 60% des interactions entre les espèces ont été coupées.


Enfin je rappelle que les écosystèmes, d’un point de vue utilitariste, fournissent quantité de biens et services à l’Homme, pour son alimentation, pour ses équipements et aussi pour sa santé, puisque plus de la moitié des substances pharmaceutiques est issue de végétaux ou de champignons.


Pour en revenir à votre question, grâce à une information factuelle sur les relations qui unissent les Hommes et le monde sauvage sur notre planète, avec le programme de sensibilisation "TERRA" nous espérons mettre en avant la possibilité d’une coexistence harmonieuse et respectueuse.


FPB : Nous avons pu constater que certaines structures ou associations « écolos » ne vivent que d’argent public, voire pour certaines, se font financer en toute discrétion par des industriels ou des lobbys soucieux de verdir leur image. Votre réaction, lorsque les mêmes, ou presque, condamnent la participation de mécènes pour le financement de vos films ?


Yann Arthus-Bertrand : Je ne prête plus attention à ce genre de polémique stérile et que dire, si ce n’est que la participation de mécènes pour le financement de mes films non commerciaux permet que ces derniers soient mis à disposition gratuite des ONG, des associations et des écoles dans le cadre de programmes d’éducation à l’environnement.


FPB : Justement, en 2014, lors de la première manifestation du Forum Planète bleue, vous avez immédiatement et amicalement répondu présent à la sollicitation de son président, Gilles Vaucouleur, pour lui apporter le soutien de votre fondation. Nous avons donc pu avoir la joie de projeter et de visualiser l’inoubliable et magnifique film « La Soif du Monde » et nous vous en remercions !


En conclusion de cette interview, rappelez-nous le pourquoi  de la création de votre fondation ?


Yann Arthus-Bertrand : Depuis plus de quarante ans, je contemple la richesse et la beauté de la Planète. Je la vois changer et ressens sa fragilité grandissante. En 2000, j’ai souhaité dresser un grand état des lieux, à travers mon projet «La Terre vue du ciel ».


Mais les déséquilibres s’accentuent et j’ai compris qu’il fallait aller plus loin dans mon engagement. J’ai donc créé, en 2005, la Fondation GoodPlanet pour sensibiliser, informer et éduquer les publics de tous les âges et horizons. Mais aussi pour passer à l’action et donner l’envie, à tous, de s'engager dans des projets qui contribuent à plus de respect de la Planète et de l’Homme.


Je crois vraiment qu’avec GoodPlanet, nous avons inventé une nouvelle façon de parler aux hommes et aux femmes des grands enjeux de notre époque.


Plus humaine et plus généreuse. Plus impliquante aussi, parce que, qui que l’on soit et d’où que l’on vienne, agir rend heureux !



Propos recueillis par Jean VAL

Yann ARTHUS - BERTRAND


Président de la fondation GoodPlanet


Photographe, reporter international spécialisé dans les grands reportages et dans la photographie aérienne


Les principaux films dont Yann Arthus-Bertrand est le réalisateur sont :


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Interview réalisée le 10/12/2015

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